Ai donc vu Prince en concert. Enfin.
Conclusion d'un cycle d'amour-désamour entamé voici trente ans ou presque, à l'époque de son carton interplanétaire Purple Rain (l'album, pas le film). Un LP absolument fascinant, fourmillant à la fois des tics princiers caractéristiques et d'une inventivité hallucinante. L'electro-funk.
[DR lessentiel.lu] |
Le concert était celui de la Rockhal, à Esch-sur-Alzette, Luxembourg, le 13 juillet 2011. Une salle que je n'avais jamais vue, située au bout d'une ancienne friche industrielle en cours de réhabilitation, encadrée d'une paire de tours de bureaux en construction, de centres commerciaux tout neufs et les ruines d'un ancien haut-fourneau. Le temps était d'une fraîcheur étrange pour la saison (15°c), et la FAQ du site de la Rockhal était tellement alarmiste sur la capacité du parking que je me suis presque mis en route à reculons. Pressentiment. Il existe aussi des navettes des CFL pour rejoindre le site, mais du fait de déviations un peu partout, on ne rejoint plus la gare d'Esch-sur-Alzette qu'au prix d'un détour que je préfère ne pas tenter. Pressentiment.
Place de parking trouvée facilement (ça ne se remplira que bien plus tard, bon à savoir), je retrouve les longues files d'attente qui se créent spontanément devant la Rockhal. Les portes tardent à s'ouvrir. Tardent... Pressentiment.
Je ne m'attarderai pas sur la pratique qui consiste à réintroduire un système de classes de billets, par le biais du "Golden Circle", zone plus chère délimitée au premier rang : lorsque les vigiles ouvrent les portes, cela fait autant de foule en moins à canaliser.
Un écran géant en forme d'œil recouvre le fond de scène. Je vois en contre-jour les trompes aigües d'une cabine Leslie qui tournent comme le rotor d'un hélicoptère au point fixe. Point positif, il n'y aura pas de première partie. Point négatif : il faudra subir la rétrospective des co-productions princières dont les vidéoclips tournent sur l'écran. Encore que, négatif, cela reste à discuter : tout y passe, et principalement des morceaux que Prince avait écrit à la belle époque de l'electro-funk pour des tas de collaborateurs, Mazarati, Morris Day & the Times, TC Ellis, Sheena Easton, Brownmark, Sheila E...
De fait, il y a bien pire en matière de première partie. Mais il y a aussi plus court, d'autant qu'au retard à l'ouverture des portes s'ajoute maintenant l'attente du début du concert. Le fait d'avoir vu il y a peu un reportage sur les élevages industriels de volailles éclaire d'un jour nouveau cette situation grotesque. Pour tout dire, j'ai même songé à ne pas patienter, je pense sérieusement qu'il s'agit du dernier gros concert que je ferai : je ne trouve plus plaisir à ces préliminaires.
Lorsque, enfin, les lumières s'éteignent, que les artistes rejoignent leur place, c'est pour une introduction endiablée par Maceo Parker lui-même. Prince n'est pas encore là, mais ça me plaît de voir Maceo dans ce registre, lui que je trouvais vraiment répétitif avec ses JB's. Cela dit, un morceau, deux morceaux, trois, et toujours pas de Prince. Par contre, c'est largement suffisant pour se rendre compte que la balance est atroce. Terrible. Innommable. Et que j'ai oublié mes bouchons d'oreille.
En gros, il y a deux bandes de fréquences : les graves, où la grosse caisse et la basse-synthé écrasent le jeu d'Ida Nielsen, et les aigus, où Maceo sature à fond. Les graves font vibrer les bas de pantalon, les aigus percent les tympans. Nul. C'est nul.
Techniquement, ça ne s'arrange pas d'un iota quand Prince entre en scène. Maintenant, c'est sa guitare et sa voix qui distordent. A ce stade du concert, je pense sincèrement que ce billet va s'intituler The Wasteful Experience. Je supporte quelques titres, je suis content de voir enfin le Kid de Minneapolis en vrai, mais je supporte le reste. Après quoi je me replie prudemment vers le hall, qui est largement ouvert sur le fond de la salle. Et il y a toujours l'écran géant qui retransmet de gros plans de la star, de toutes façons. D'ici je profite encore de quelques titres, puis je me rends compte que je peux aussi bien continuer à rebrousser chemin jusqu'à la voiture.
Aussi je rentre. Il n'est que dix heures et demie, le concert a dû débuter après neuf heures, à vue de nez...Sur la route du retour, la tête rendue cotonneuse par les décibels je m'interroge, un peu pensif, sur la façon dont une expérience aussi pitoyable parvient à toutefois laisser quelques échos agréables. Au loin j'aperçois quelques fusées du 14 juillet à leur apogée. Il pleut. Un peu.
3 commentaires:
Aïe... :( Quel gachis en effet! Je dois dire que je n'aime pas tellement cette salle de concert. Elle est trop grande et sans aucun charme... on n'a pas l'impression de vivre un moment privilégié avec l'artiste qu'on admire comme ça peut être le cas dans des petites salles... Au niveau du son, je n'y connais rien mais il m'est arrivé plusieurs fois à Luxembourg d'être déçu par la qualité sonore des concerts, n'osant pas me plaindre parce que je n'y connais rien... ;)
Pendant que tu fuyais Prince, j'étais en admiration devant PJ Harvey à l'abbaye de Neumunster... concert en plein air par mauvais temps, certes... un peu court aussi, mais sa voix... aaah lala :)
Hop, bon weekend!
J'aime bien ta prose. On s'y serait cru... Le genre d'expérience pour laquelle il faut attendre dix ou quinze ans pour décider si on l'a apprécié.
Oh ! Oh ! Hé bonjour et merci les amis !
Noliv : ma foi, je ne savais pas que le concert de PJ était en plein-air. Les forums de Prince s'intéressaient à l'endroit où elle jouait ce soir-là... principalement pour savoir quelles scènes elle laissait libre pour un éventuel aftershow du Kid ! J'aurais su, j'aurais envoyé de bonnes ondes, mais apparemment vous vous en passiez très bien ;)
J'avais eu une bonne expérience, à tous points de vue, à L'Atelier de Luxembourg avec Kraftwerk. Mais concernant la Rockhal, effectivement, pour une salle récente ça n'est pas un lieu qui frappe par sa chaleur.
Hubert : oui, c'est tout-à-fait ça, ça se décantera sur la durée.
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