Faisant mentir le dos de la pochette du Countdown To Ecstasy de Steely Dan, Roger Nichols est bel et bien parti pour le Paradis des Ingénieurs du Son début avril. Sa nécrologie, dans le New York Times, rappelle combien il s'était révélé par nature à la hauteur de l'obsession légendaire de Fagen et Becker en terme de perfection sonore [en]. «A ma façon, j'étais aussi fou qu'eux», disait-il.
Il y est également fait mention d'une contribution pour le moins inattendue de Nichols à l'album Gaucho (toujours de Steely Dan) avec l'invention du système Wendel. J'étais incidemment tombé sur une mention de cet appareil il y a quelques mois, j'avais alors mis de côté quelques infos.
Wendel est une machine très discrète dans l'histoire de la musique populaire. Contemporaine du Fairlight CMI (1979), elle en partageait à la fois l'interface typée informatique et le traitement numérique du son. Toutefois, alors que le concept de boîte-à-rythme programmable commençait seulement à se démocratiser, Wendel entendait se poser en référence ultime en matière de création numérique et de remplacement de pistes de batteries.
C'est le moins que l'on puisse attendre d'un dispositif financé sur le budget même de Gaucho par des Steely Dan que l'on sait absolument maniaques en matière tant d'harmonies que de placement rythmique. Aiguillonné par Donald Fagen, Roger Nichols s'attela à la tâche, se formant par lui-même aux techniques alors tout dernier-cri du numérique. De son propre aveu, il aligna un bon nombre de prototypes ratés avant d'aboutir au Wendel définitif. Lequel se montra si réussi qu'il est en fait "le" batteur attitré de Hey 19 (Info World, 30/04/1984 [en])
La performance est d'autant plus remarquable si on la compare aux sonorités synthétiques des boites-à-rythme analogiques qui constituaient alors le gros du marché, ou au swing encore un peu robotique de la Page R du Fairlight. Wendel est une machine si discrète qu'elle se fait oublier, citée nommément aux côtés de Nichols dans les crédits de Gaucho. Une évolution de la machine, Wendel-II, est utilisée dans mon album de chevet, The Nightfly, de Fagen. En 1984 Nichols développera une version allégée du système, WendelJr, dépourvue des capacités d'enregistrement numérique de son aîné.
Plus récemment, on trouve mention d'une version logicielle du système, le Wendel-izer [en]. Toutes ces solutions auraient été assez universellement employées, si l'on en croit les dires d'un Roger Nichols assez facétieux pour écrire, dans le manuel du WendelJr :
13:Rear Panel Logo
The wording on this logo must be memorized by every WENDELjr owner. The Wendel Labs van may stop you on the street in Hollywood or on the beach in Maui and ask you to recite the logo information and your WENDELjr serial number. Failure to do so correctly will result in an increased probability of being molested by a deranged Pygmy.
Bravo, Monsieur.
Roger Nichols et sa main (dos de Countdown to Ecstasy, détail, 1973) |
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